La marginalité choisie



    La marginalité choisie, par définition est une démarche réfléchie, un engagement délibéré de l'individu de s’exclure d’une société. Cela signifie donc que l’individu est conscient de son choix, il peut retourner dans la société si il le désire mais ne le fait pas car il s’épanouie d’avantage dans la communauté où il vie.
On a alors pu observer  dans les dernières décennies du XXème siècle une orientation générale de la société vers l’individualisme ou le communautarisme.




A) La marginalité choisie individuelle

Les ermites 

L’ermitage est une marginalisation « « spatiale » perpétuée depuis le Moyen-âge , en effet c’est un choix particulier de l’individu . L'ermite  est un individu qui a fait le choix d'une vie spirituelle dans la solitude, la prière et le recueillement. Ces ermites sont le plus souvent moine. Ils recherchent l'anonymat, c'est pour cela qu'il est difficile de connaitre leur nombre exact. Cependant, les estimations seraient de 200 à 300 en France (hommes et femmes) vivant sous la responsabilité d'un évêque

Individualisme et marginalité


Nombreux sont les sociologues à s’être attardé à un moment ou à un autre sur la sociologie de l’individu. Ils ont alors exploré  différents contextes sociaux qui ont accentué l’individualisation.
Avec la modernité, les sociétés occidentales accordent une place plus grande à l’individu. Ce constat est établi à la fin du XIXème siècle lorsque Durkeim affirme que l’individualisme est devenu « la religion de la modernité ».  Puis, au milieu du XXème siècle , de peur de proposer une vision décalée du monde contemporain, de plus en plus de sociologues élaborent des théories de l’individu et du processus d’individualisation variable selon les pays. Il y a donc quatre théories principales de l’individu . La première est celle d’un individu socialisé par des dispositions et des habitudes, la seconde est celle de l’individu contraint de le devenir par des normes et des valeurs , la troisième est celle d’un individu reconnu par des relations et enfin celle d’un individu construit par une série d’épreuve . Ainsi un environnement social autorise ou contraint les agents sociaux à devenir individus, acteurs de leur existence.
C’est à partir de cette considération, lorsque la sociologie s’axe sur l’individu en lui-même qu’on peut parler de marginalité choisie. En effet,   l’individu décide d’agir dans sa propre vie, de faire des choix , il en vient à refuser des normes ou des valeurs , à analyser la société dans laquelle il vie et ainsi à choisir si il l’accepte ou la refuse. C’est ces choix qui mènent un individu à se marginaliser volontairement.



Interview d’une parente de marginale :


Depuis combien de temps ta tante est-elle marginalisée ?                                               Ma tante a toujours été "contre" la société . Il y a une dizaine d'années, elle vivait encore en plein centre ville de Lyon. Toutefois, son appartement était totalement "hippie", elle mangeait avec des baguettes chinoise, n'avait pas de lave vaisselle etc... Mais c'est il y a à peu près 5 ans qu'elle a décidé de partir vivre toute seule, dans les Cévennes.
Pourquoi a t-elle fait ce choix ?                                                                                          
 Son mari est mort il y a une dizaine d'années et cela a provoqué une espèce de "répugnance" envers la société.
Ou habite t-elle ?
Elle a décidée de vivre dans le Sud de la France, précisément à St Etienne-Vallée-Française. Elle vit actuellement dans une yourte, n'a pas d'eau courante ni d'électricité.
Habite-t-elle seule ?                                                                                                                 
Elle vit plus ou moins seule car elle a un compagnon, un peu comme elle mais celui-ci est anglais et fait des allées et retours entre l'Angleterre et la France.
Quel est son mode de vie ?                                                                                                    
 Son mode de vie est assez simple. Elle a une yourte qui a une vue magnifique sur la montagne, elle a un potagé, va tous les jours chercher son eau à la source. Elle descend de sa montagne pour aller dans son petit village chercher quelques provisions mais aussi pour s'informer grâce aux connexions internet du camping.
Les services sont-ils près de chez elle ?                                                                                Elle ne vit pas au sein du village (dans la vallée) mais plutôt dans la montagne. C'est pourquoi, elle met environ 20 minutes pour redescendre dans sa petite 4L jaune.
De quoi vit-elle ?                                                                                                                 
Vivant dans la montagne, elle ramasse des cèpes qu'elle vend ensuite dans les marchés de son département. Elle en mange aussi.
A-t-elle des contacts avec d’autres personnes ?  Si oui avec qui ?                                
Elle a différents contacts, notamment avec les gens de sa montagne, qui sont eux aussi, plus ou moins marginaux. Mais aussi les gens du camping et de son village lorsqu'elle redescend dans la vallée
A-t-elle une religion ou une idéologie qui expliquerait son choix ?                               Elle n'est pas tellement croyante, et refuse le fait de croire en une idéologie quelconque. Un jour, elle m'a raconté qu'elle avait rencontré une sœur et qu'elle lui a dit : "mais vous croyez qu'en priant vous allez sauver le monde ! Agissez !"
Quelle était son mode de vie auparavant ?                                                                           Ma tante a 3 enfants, tous majeur. Mais avant d'être dans sa yourte au fin fond de la montagne, elle vivait en plein centre de Lyon, vers la presqu'île et avait un revenu assez élevé.

Etude de la vie de Christopher Johnson McCandless
Christopher McCandless  aussi surnommé « Alexander Supertramp » (né le 12 février 1968 et mort le 18 août 1992) est un aventurier américain, qui a fait l'objet du récit biographique « Into the Wild » de Jon Krakauer adapté au cinéma en 2007 par Sean Penn .

D’un premier mariage, son père a quatre enfants puis se remarie en 1967. Deux enfants (Christopher et Carine) naissent de ce second mariage. Il s’installe avec sa nouvelle famille à Annandale, dans la baie de Chesapeake. Les relations entre Chris et ses parents se détériorèrent le jour où il apprit les circonstances dans lesquelles son père s’était séparé de sa première épouse :Walt McCandless eut un fils, Quinn, de sa première épouse quelque temps après avoir épousé Wilhelmina Johnson. C'est à partir de là que nait sa haine de la société et son désir de s'échapper dans une aventure , seul.

Dans le film , on peut voir que la personnalité de Chris McCandless était particulièrement complexe . Son esprit se tournait vers l'idéalisme et le panthéisme. Rejetant la société moderne de consommation, il avait une sorte de dégoût de l'être humain ce qui le poussa à s’isoler .
Il était rusé et intelligent et pensait que la seule façon d'atteindre un but était le mental, l'esprit et la volonté. Solitaire, marginal, indépendant, rêveur, il n’a pas hésité , après l’obtention de son diplôme en 1990, à partir sans se retourner , vers l’inconnu, sans laisser le moindre mot – pas même à sa sœur qu’il aimait beaucoup. Après avoir offert ses 24 000 dollars d’économie à une association pour soulager la faim dans le monde, il part à l’aventure durant deux ans. 



                                                        Bande annonce du film " Into the wild"
Chris était un être motivé, ne voulait jamais abandonner un projet qui lui tenait à cœur. Il avait donc une volonté de fer et pouvait être résistant à beaucoup d'épreuves. Ses proches le qualifiaient comme quelqu’un de têtu et lui reprochaient parfois son égocentrisme.

 Ses voyages le menèrent tout au long du sud des États-Unis jusqu’au nord, à travers la Géorgie, la Louisiane, le Texas, le Nouveau-Mexique, l'Arizona, la Californie, l'Oregon, le Montana puis, via le Canada, l'Alaska.
 Ses aventures le menèrent du sud des États-Unis jusqu’au nord, à travers la Géorgie, la Louisiane, le Texas, le Nouveau-Mexique, l'Arizona, la Californie, l'Oregon, le Montana puis, via le Canada, l'Alaska. En mars 1992, Chris McCandless arrive au Montana, à Carthage, où il travaille dans un ranch pour faire des économies et de partir en Alaska .Il parle alors de son projet de  partir à son patron avec qui il se lie d’amitié , explique sa répugnance de la société et sa volonté de vivre une aventure extraordinaire en communion avec la nature. Celui-ci  propose alors de l'aider réaliser son rêve.
Il quitte le Montana le 15 avril 1992 et arrive en Alaska 6 jours plus tard. Il est alors pris en auto-stop par Gaylord Stuckey, qui l’emmène à Fairbanks où ils arrivent le 25 avril. Chris part alors vers le sud à pied, en direction de la piste Stampede où il arrive deux jours plus tard , il découvre alors un autobus abandonné qu’il décide de surnommer " the magic bus" et le transforme en habitation sommaire . Il y passe les cinq derniers mois de sa vie (112 jours de survie), se nourrissant essentiellement de petits animaux qu'il chassait à la carabine, de racines de pomme de terre sauvage (Hedysarum alpinum) : il a par la suite consommé par erreur les graines d'une plante qui y ressemblait (Hedysarum mackenzii) ; toxiques si la personne n'est pas soigné très vite , elles sont la cause de son empoisonnement.
Auto-portrait de Chris McCandless prise devant le "magic Bus"
 Durant ce séjour dans le « magic bus » , Chris note tout ce qu’il fait de ses journée et les choses qui lui sont arrivés sur un carnet , il relis encore et encore les livres qu’il a emmené avec lui. De plus , il grave des phrases qui sont le fruit de ses réflexions dans le bois de la table du bus . La dernière        qu’il écrit , alors qui est extrêmement                       malade est «  happiness always real when shared » ( le bonheur n’est réel que s’il est partagé) .
Cela amène une réflexion sur ces individu souhaitant se marginaliser , ne plus avoir de contact social avec des proches , sont-ils alors vraiment heureux ?

B) Le cas des freegans : le refus de la mondialisation et de la société actuelle .

Le communautarisme américain

En revenant sur l’histoire américaine , on peut d’apercevoir que le communautarisme est en quelque sorte l’histoire et l’identité américaine d’aujourd’hui . Les colonies américaines de Nouvelle-Angleterre instituent dès l'origine de la nation américaine le « fait du pluralisme » sur lequel reposera le système institutionnel américain. Les grandes vagues migratoires de la fin du XIXe siècle renforcent les communautés.
La communauté peut être d'origine familiale, ethno nationale ou religieuse . Elle est considérée à la fois comme un lieu de passage obligatoire, et est un lieu , pour les individus de cet, d'une identité qui lui est propre et qui lui correspond . Cette communauté est« indispensable pour être un véritable Américain. »
Les années 60 vont plus loin encore : la différence est mise en avant , et ce d'autant plus qu'elle est revendiquée par des groupes marginalisés (Noirs, homosexuels, femmes, Amérindiens...). Les américains ne veulent alors plus parler d'un " melting-pot"  comme on le nommait auparavant, mais d'une « salad bowl » où tous les individus, sans se fondre, coexisteraient avec leur différence.

Enfin, au début des années 80,  certains philosophes dits " communautariens " se réapproprient le communautarisme en s'appuyant sur le fait que l'individu appartient à culturelles, ethniques, religieuses ou sociales et ne peut pas exister indépendamment de celles-ci puisqu'elles forment  son identité et sa façon de penser. 

Les freegans

Le terme « freegan » est la contraction des mots «  free »(gratuit) et « vegan » (végétalien , un système de consommation basé sur la non-exploitation animale).
Considérés pour certains comme une secte, ce groupe d’individus militent à leur façon pour  faire changer les mentalités.
Ayant des idées écologiques poussées à l’extrême, les freegans , choisissent de s’exclure de la société  de par leurs acte et leur façon de penser . Ils vivent alors dans un mode de vie exprimant leur mécontentement face à la mondialisation, le capitalisme , et la société de consommation . Au nombre de 400 à 500 rien que dans la ville de New York , ils forment à eux seuls une sorte de communauté , exprimant une vision différente de la société et espérant ainsi la faire évoluer.
 
Le « freeganisme » est un mode de vie qui consiste à consommer principalement ce qui est gratuit et à créer des réseaux d'entraide qui facilitent ce choix  afin de dénoncer le gaspillage alimentaire et la pollution dû aux déchets, mais aussi les problèmes de transports , du travail (réduction du temps de travail) et du logement dans la société occidentale.

Cette photographie illustre de façon humoristique la "plongée en benne" effectuée de manière régulière par les freegans . Le vélo est le moyen de locomotion le plus utilisé pour ne pas polluer.

C’est en 1999, aux États-Unis, que Warren Oaks (ex-batteur d'un groupe punk nommé Against Me!) écrit la chanson « Why Freegan? » , utilisant ce mot pour la première fois . Il pose les bases d'un concept, proche de la décroissance, exprimant le refus de la consommation et en réduisant l’utilisation de la monnaie. Les freegans ( aussi appelés « gratuivores ») affirment que les besoins primaires (se loger, respirer, boire, manger, se protéger du froid et de la chaleur, se défendre contre les agressions) ne devraient pas être payants mais accessibles à tous, comme droits fondamentaux. Il est également question d’écologie à travers l’utilisation des énergies renouvelables dans une logique « do it yourself »,( préservation de l'eau de pluie par exemple). Les freegans croient qu’il est important de se contenter du strict minimum et d’éviter au maximum d’acheter. Ils fuient ce qu’ils considèrent comme frivole tels que les jouets en plastique, les gadgets et bien entendu les véhicules.
 En fait, de nombreux freegans vivent grâce aux déchets générés par le capitalisme même : les restes de nourriture jetés par les restaurants et les marchés en tous genres, par exemple, mais aussi les nombreux vêtements jetés encore mettables. C’est pour cela qu’il sont souvent qualifiés d’hypocrites.
Avoir aussi peu que possible d’impact sur la planète et l’environnement est la marque du Freeganisme. S’ils doivent utiliser des véhicules, ils utiliseront aussi peu de carburant que possible ou utiliseront du biodiesel et privilégieront un véhicule non-polluant s’ils peuvent.
Enfin , plutôt que de payer un loyer ou acheter une maison, les freegans « squattent » le plus souvent les propriétés abandonnées ou non réclamées.
Cependant contrairement à ce que pense l'opinion publique de ces écologistes , « l’individu freegan » est en général cultivé , instruits , et décide après une démarche consciente de rejeter les normes sociales . On peut citer comme exemple dans l'article de Sergio Burns (auteur américain),  Alf Montagu , 31 ans , diplômé de Oxford il avait un travail bien payé dans le marketing et a décidé d’abandonner ses biens , son appartement et sa manière de vivre . Il trouvait alors sa vie trop matérielle , et ne voulait pas simplement travailler pour l’argent . Aujourd’hui il voyage à travers le Royaume Uni dans un van pour « diffuser le message freegan. »

Ce refus de la mondialisation , et ce désir d'exclusion "spatiale"  sont caractéristique de différentes vagues de protestation face à la société moderne . C'est en se marginalisant de par leurs actes que ces individus trouvent alors leur propre définition bonheur.